Charles Melman : Introduction à la psychiatrie lacanienne - 5

EPhEP, MTh2 - CM, le 04/05/2017 

Paranoïas 

Je vais commencer ce soir par l’approche d’un défilé très étrange, puisqu’on peut dire qu’il n’a pas toujours pas été bien exploré par les navigateurs qui semblent fort hésiter pour s’engager parmi ces écueils, alors qu’il s’agit d’un espace essentiel qui est celui qui règle et détermine les rapports de la psyché et du corps.

 

Comment ça marche ? Parce ce que c’est très étrange, et cela a inquiété depuis le début, évidemment, les médecins grecs qui étaient fort philosophes, et qui donnaient pour idéal le fait de maîtriser son corps, autrement dit ne pas le laisser faire n’importe quoi, agir au gré de ses appétits ; comme vous le savez, l’idéal grec était celui de la maîtrise du corps, du corps traité absolument comme celui d’un esclave. Autrement dit, le sujet était vis-à-vis de son corps dans un rapport précis de maître à esclave, avec ce que cela pouvait impliquer comme maîtrise des passions et puis également, - mais j’ai déjà été amené à, bien sûr, en parler plusieurs fois - à prôner bizarrement - bizarrement dans une société qui s’accordait tous les plaisirs - à prôner la tempérance.

 

D’où est-ce que ça sortait ce truc-là ? Il n’y avait aucune religion spécifique, évidemment, pour aller prôner cette chose bizarre qu’il fallait vivre, je dirais, en venant introduire une mesure dans ses jouissances. Donc vous voyez de quelle façon cela posait le problème, compliqué tout de suite par le fait qu’il y avait manifestement des effets du corps sur la psyché, de l’esclave sur le maître, qui venaient fortement perturber le moral comme, par exemple, dans la mélancolie où l’excès de bile noire, noire, venait plonger le sujet dans un état où son moral qui hier encore commandait, commandait ce corps, n’en pouvait plus.

 

Le problème, bizarrement, est d’une certaine façon toujours d’actualité. Au XVIIIème, cela s’appelait l’étude du rapport du physique et du moral. C’était le nom que l’on donnait à l’affaire, avec, compte-tenu de l’esprit de matérialisme de l’époque, l’idée bien sûr que le physique jouait le rôle primordial dans les déterminations de la vie psychique, position qui est médicale sans aucun doute et qui est toujours d’actualité. Ça, c’est absolument admirable. Vous voyez de quelle manière des données si anciennes continuent à ce point d’être cultivées et de telle sorte que si vous ouvrez aujourd’hui un ouvrage sur les neurosciences - ça, c’est superbe puisque c’est réputé être scientifique, être scientifique, c’est-à-dire que vous pouvez en attendre une formalisation qui est parfaitement indépendante des tendances ou des interventions propres au sujet qui vient toujours gâcher la pureté du tableau par, justement, ses intérêts, ses appétits, ses passions, ses préjugés ; si c’est scientifique, c’est rigoureux et ça vaut pour tous - donc vous ouvrez avec beaucoup d’intérêt et d’attente un ouvrage sur les neurosciences et vous y lisez ceci, dès la première page : « Le cerveau sécrète la pensée ». Pas de problème, vous voyez comment là encore le rapport de la psyché et du corps est immédiatement réglé en une phrase : « Le cerveau sécrète la pensée ».

 

L’inconvénient, néanmoins - comme je sais que vous avez un esprit fortement critique - l’inconvénient est que, pour peu que vous ayez quelques connaissances en cette matière, il n’y a pas dans le cerveau de tissu glandulaire sécréteur, à part une glande effectivement essentielle qui s’appelle l’hypophyse, mais qui ne sécrète aucunement la pensée, qui simplement régule les systèmes glandulaires de l’organisme, en liaison avec les circuits cérébraux.

 

Donc, vous allez chercher si le cerveau sécrète la pensée, vous allez chercher à quel endroit se trouverait cette substance glandulaire qui serait responsable de la pensée, qu’on pourrait exciter, qu’on pourrait modifier, qu’on pourrait allumer, éteindre, etc. - je m’amuse en vous disant cela, puisqu’assurément, il n’y en a pas. Ce qui fait que vous êtes bien obligé de constater que notre scientifique, quand il dit : « Le cerveau sécrète la pensée », fait de la poésie, une métaphore, une façon de parler, une façon d’affirmer une opinion, mais il ne fait que rendre plus vivace notre interrogation : quel est le rapport de la psyché avec le corps, et surtout, comment est-ce que les injonctions psychiques conduisent le corps à obéir ? Comment ça marche ?

 

Il y a un élément que l’on peut vérifier qui, lui, est expérimental et rigoureux, c’est que comme on le sait, il y a chez le bébé, qui naît prématuré, une lente maturation psychomotrice, un développement de la psyché, qui va se trouver parallèle à celui de sa motricité. Et ce développement psychomoteur du bébé est lié à deux facteurs : l’un qui est un facteur organique, et qui est celui de la myélinisation des fibres nerveuses (le bébé naît avec des fibres nerveuses qui ne sont pas myélinisées et il y a un long processus de myélinisation qui est la condition pour que les fibres nerveuses soient fonctionnelles ; il y aura d’ailleurs chez l’adulte une maladie qui s’appelle la maladie de Guillain-Barré et qui sera liée à une démyélinisation des fibres nerveuses. Donc, à la fois, les fibres nerveuses se myélinisent au cours du processus évolutif de la croissance, mais elles peuvent aussi, pour des raisons qui sont inconnues peuvent se démyéliniser, ce qui a des conséquences extrêmement importantes sur la sensibilité, et donc la motricité. Habituellement, cela évolue par crise, mais cela peut avoir également des allures permanentes, et c’est très gênant. Ça, c’est une première condition : organique, donc.

 

Mais il y a une deuxième condition qui, elle, est beaucoup plus étonnante puisqu’il faut pour que cette maturation psychomotrice se fasse, il faut que le bébé soit placé dans un bain de langage. Comment on le sait ? Il se trouve, comme vous le savez, qu’il y a des bébés qui sont amenés à passer les premières semaines, sinon les premiers mois de leur vie, à l’hôpital, en couveuse, protégés par une cloche de verre, ou parfois pas en couveuse, mais en tout cas n’ayant de relation qu’avec un personnel souvent dévoué, sympathique, aimant, mais qui n’a évidemment avec le bébé aucun lien qui soit de type maternel. Aujourd’hui, grâce à un certain nombre de travaux de psychanalystes, de psy, en particulier Dolto et Madame Aubry, eh bien, ça a changé, ce n’est plus tout à fait comme ça. Mais en tout cas, ces bébés étaient organiquement maintenus dans des conditions satisfaisantes, bénéficiant de soins dévoués, et il se passait ce phénomène bizarre qui était que l’on voyait bientôt leur regard plafonner, ne pas se fixer sur le regard de la soignante, et s’installer un retard du développement moteur, au point que, si une intervention n’était pas faite pour faire cesser ces conditions d’élevage, le bébé se trouvait engagé dans des conditions irréversibles d’un tableau qui s’apparente parfaitement à celui de l’autisme infantile, c’est-à-dire une sorte de poupée de son, flasque sans tonus, sans regard, sans expressivité, sans intérêt manifeste pour quiconque et pour quoi que ce soit, capable de pousser des cris, d’avoir parfois des agitations.

 

Il est quand même étrange, je dirais même, - pourquoi ne pas le dire ? - tellement surprenant que le sevrage d’un rapport à la parole, au langage, puisse avoir de tels effets ! On s’étonnera moins si on considère que le signifiant a pour propriété d’être à la fois injonctif et, en même temps, interdictif , c’est-à-dire à la fois susceptible de prescrire, de commander une action et, en même temps, de tracer la limite, le réel qui l’interdit. Il y a là un effet que des psychologues ont appelé le  double bind, pour signaler qu’il s’agissait d’une anomalie provoquée par l’entourage, par les exigences d’un entourage perturbateur auprès de l’enfant, c’est-à-dire à la fois d’exercer vis-à-vis de lui des commandements qui, en même temps, cherchent à lui interdire ce qui pourtant a été attendu de lui. Alors qu’on peut plus simplement considérer que c’est là une propriété du signifiant.

 

Et si on considère ce qu’est le développement psychomoteur, moteur en particulier, on est obligé d’évoquer ceci, c’est que le moindre geste suppose une articulation harmonieuse de muscles actifs et antagonistes, la placidité de muscles antagonistes, c’est-à-dire qu’il faut à la fois la contraction de faisceaux musculaires, contraction active, et en même temps le relâchement de fibres qui, autrement, seraient antagonistes (et leur contraction venant empêcher celle des précédentes), qu’il y a là un jeu extrêmement délicat, venant combiner au niveau des faisceaux musculaires des contractions, et en même temps le relâchement des fibres antagonistes, mouvement qui semble parfaitement homogène avec justement ce que se trouvent être les commandements du signifiant, qui sont à la fois donc, de commandement de contraction et puis en même temps de l’interdit, de ce qui pourtant, là, a été prescrit.

 

Comme vous vous en doutez, c’est là, à la fois un jeu très subtil et très harmonieux dont je vous donne l’illustration pour vous amuser un peu, pour vous distraire, que l’on va retrouver, ce jeu, de façon talentueuse, chez des enfants qui sont - pour des raisons que je n’évoquerai pas mais qui sont sûrement complexes - qui sont, je dirais, exceptionnels dans l’exercice de ce jeu musculaire et qui seront très tôt des pianistes émérites ou aussi bien des violonistes. Cela suppose des conditions tout à fait particulières dans le talent, la faculté justement, de pratiquer spontanément puisque ça survient en général chez ces enfants très tôt : quatre ans, cinq ans, six ans. Petits génies pianistiques ou du violon et qui méritent donc mieux, de notre part, que simplement l’émerveillement.

 

Comment se fait-il, donc, que dans ce tableau, dans ce contexte, nous soyons donc dans une relation dont le modèle est resté celui antique du maître et de l’esclave, relation à son propre corps dans un dispositif qui est celui du maître et de l’esclave, comment se fait-il que cette relation se trouve perturbée par un tiers dont l’autorisation va se révéler le plus souvent nécessaire pour que le corps suive l’injonction du commandement psychique ? Je vous dis des banalités, mais cependant, c’est bien connu, et c’est ce qui fait problème.

 

Ce tiers pouvant être aussi bien ce que l’on appelle, ce qui est déterminé par ce qu’on appelle bizarrement le libre choix, c’est-à-dire l’intervention du sujet qui s’oppose à ce qui lui est venu comme impératif dans la psyché (« Ah ben non, je ne peux pas faire ça, je ne peux pas faire ça), et donc un interdit qui va venir soit de sa subjectivité, soit, c’est tout autre chose, d’un idéal de type moral, et qui là encore va faire obstacle à l’accomplissement imposé, voulu. Donc un effet d’inhibition.

 

Le tableau se compliquant encore du fait que c’est du corps maintenant, et non plus du maître, que viennent des exigences, des commandements ; c’est au maître d’avoir à s’exécuter : il peut s’agir aussi bien de besoin que bien entendu de désir, et le maître se trouvant confronté, lui, le patron, à des impératifs venus de son serviteur et qui peuvent venir, comme nous le savons, le submerger.

 

Donc, comment ? Quelle est la poulie de transmission entre la psyché et le commandement venu de la psyché et le corps ? Et qu’est-ce qui rend cette poulie aussi sensible à ces types d’interférences perturbatrices ?

 

Si, - permettez-moi cette image - si un animal domestique qui s’appelle le chat est susceptible d’exercer pour nous (c’est connu ce que je vais vous dire) cet effet de fascination, c’est évidemment du fait qu’il semble spontanément, sans aucun effort, réaliser cette harmonie dans ses mouvements et sembler toujours parfaitement homogène avec les exigences d’ordre psychique qu’il pourrait recevoir. Il en résulte pour nous un effet esthétique que l’on retrouve bien sûr dans la danse, en ce qui nous concerne. Parce que c’est quand même étrange que la danse, depuis toujours soit un art et nous procure un effet esthétique, si ce n’est précisément par ce qu’il en serait de la perfection de cette union du commandement psychique et du corps.

 

Comment, comment pour nous, ça marche ? Tout ceci, tout ce que je développe là, ce n’est qu’une introduction à ce que j’ai annoncé la dernière fois - mais vous allez voir que je vais y arriver, je l’espère déjà ce soir : la question des paranoïas - Comment ça marche ? Eh bien, pour nous qui sommes des gens positifs, des gens mécaniciens, mécanicistes, nous ne pouvons envisager d’autre influence, d’autre effet, d’autre commandement que bien entendu réalisé par quelque fil, quelque conduite, quelque poulie ? Ce qui fait liaison entre le commandement, celui qui vient de la psyché, et le corps, ce qui fait liaison, est un trou, pas n’importe lequel pour chacun d’entre nous, un trou bien spécifié et qui est celui qui est venu historiquement constituer pour lui le moment de la perte, pour lui sujet singulier, de la perte de l’objet pour lui essentiel, ce que Lacan va appeler l’objet a, et qui va donc faire, ce trou ainsi spécifié, le fait que les éléments constitutifs de l’inconscient, c’est-à-dire ce qui par ce trou vient choir du signifiant et vient constituer le grand Autre, eh bien que ces éléments se trouvent en liaison avec le signifiant maître par la communauté, par la mêmeté du choix de l’objet et du choix de l’histoire qui est venu conditionner cette perte.

 

De telle sorte que ce qui va venir de mon corps, ce qui va venir de mon inconscient, va se trouver, je dirais, non pas le tesson qui manque à celui du signifiant maître, (puisqu’un symbole comme vous le savez, ce sont deux tessons, deux fragments d’un tesson qui a été brisé et qu’il s’agirait dans le symbole, c’est ce que veut dire symbole : la réunion ensemble de deux éléments et qu’il s’agirait de venir rassembler), eh bien ce qui se passe entre le signifiant maître et l’inconscient, ce n’est nullement le fait qu’ils vont venir se raccorder mais au contraire le fait qu’ils ne se raccorderont jamais, bien que ce soit une histoire unique, un mythe individuel unique, qui sont venus organiser le dispositif.

 

Pourquoi est-ce qu’ils ne se raccorderont jamais ? Ce n’est pas gentil, ça, hein. Ça, ce n’est pas bien, ce n’est pas beau. Mais c’est vrai que ce n’est pas beau. Et c’est bien ennuyeux qu’on ne trouve jamais sa véritable moitié. C’est embêtant, ça, et pourquoi est-ce qu’on ne trouve jamais ? Statistiquement, on devrait bien y arriver à ce que cela se raccorde, à ce que cela se raboute parfaitement. Eh bien cela ne peut pas se rabouter parfaitement parce que l’un et l’autre ne sont pas dans le même espace, appartiennent à des espaces différents : le signifiant maître est dans le champ des représentations, le signifiant que Lacan appelle S2, dont vous avez déjà pas mal entendu parler, lui, il est dans le champ du réel. Et on ne peut pas raccorder deux espaces différents.

 

Qu’est-ce que ça veut dire qu’il est dans l’espace du réel ? Parce que le réel, je vous demande pardon, le réel, il n’y a pas d’espace dans le réel. Le réel, c’est compact, c’est dense, ça résiste. Le réel, c’est ce qui résiste. Alors qu’est-ce que ça veut dire que ce qui a chu du signifiant se trouve dans le réel, se trouve dans le réel dans la mesure où si la perte, la chute, la séparation avec la partie du corps qui a fonctionné pour un sujet comme objet a, s’est faite dans des conditions où cette chute a été sym-bo-li-sée, - c’est la dimension du symbolique dont on vous rebat les oreilles et dont j’essaye à cette occasion de vous rendre sensible le caractère déterminant - a été symbolisée. Le symbole, justement, en tant qu’il est agencé par le signifiant, le symbole est celui de l’effet produit par le signifiant dans le réel, c’est-à-dire d’un pur trou. Ça veut dire que le signifiant, c’est ce qui fait que tu causes, tu causes, tu causes, mon ami, mais tu n’y arriveras jamais, non pas parce que c’est éloigné - on peut toujours espérer, si c’est éloigné, y arriver un jour - non, tu n’y arriveras pas parce que l’effet du signifiant a été que ton désir est causé par un pur trou.

 

Et quand Lacan dit : « Ne cède pas sur ton désir. », ce n’est aucunement une invitation à quelque perversion, ou à l’inceste, mais c’est pour rendre sensible qu’à ne pas céder sur son désir, on ne fait que rencontrer au terme le trou générateur. Voilà, c’est ça. C’est ça qui a causé toute l’affaire et qui fait que dès lors, si le signifiant fait interdiction, fait limite, limite justement avec le réel, ce trou que creuse l’effet symbolique, de symbolisation du signifiant, il met en place les éléments qui vont être les supports de ma jouissance, et qui appartiennent donc au champ du réel, les éléments qui vont être les supports de ma jouissance en tant que, elle, si elle est sexuelle, elle autorise le dépassement de cette limite que j’évoquais tout à l’heure et qu’impose le signifiant. Donc vous voyez de quelle manière, je dirais, la prescription fait interdit, interdiction, qui se trouve en quelque sorte franchie, levée par l’effet de symbolisation du signifiant en tant que, justement, il autorise la jouissance sexuelle.

 

Le grand mécanisme de la psychopathologie, c’est quand la mise en place de l’Autre, avec un grand A, ce dont je suis en train de parler, eh bien ne s’est pas faite pour la raison très simple que le référent qui sexualise la chute ainsi de ces éléments et qui les rend propres à la jouissance sexuelle, que ce signifiant en tant que paternel a été forclos. Et donc, ces éléments, au lieu de venir constituer l’Autre, c’est-à-dire celui qui avec le corps est propice à la jouissance, met en place l’étranger. L’étranger. On n’aime pas l’étranger, déjà, l’autre, c’est pas terrible puisqu’il est différent. Alors la différence, comme vous le savez, ça fait problème, on se force. Et c’est bien pourquoi la créature que nous sommes est fondamentalement homosexuelle. Ce n’est pas terrible hein ? C’est comme ça. Parce que la différence, c’est la promesse justement que les deux bouts du tesson ne vont pas se raccorder. C’est sûr. Mais l’étranger, eh bien, c’est là que nous allons enfin, grâce à ma longue introduction, entrer dans la question de la paranoïa. Ce n’est pas beau ça, hein ? Ce n’est pas esthétique ? (Rires)

 

La psychiatrie classique a parfaitement distingué les trois grands traits spécifiques de la paranoïa. Moi, j’adore personnellement. Ce sont les idées de grandeur, de jalousie et de revendication. Voilà les trois grands traits qui caractérisent le paranoïaque. Et je ne sais pas, je suis sûr que vous frémissez quand je vous dis une chose pareille, j’ai cru percevoir ce frémissement chez vous. Parce que, allons, un sujet, celui qu’on aime bien, le sujet, ce qu’il y a de plus intime, de plus personnel, de plus secret, de plus caché, de plus douloureux, le sujet, vous allez tout de suite remarquer la chose suivante, c’est que le sujet, il a des idées de grandeur : « C’est moi, attention, vous n’allez quand pas me prendre pour n’importe qui, attention, un peu de respect. ». Il a des idées de jalousie : « Et pourquoi c’est lui ou pourquoi c’est elle ? Pourquoi c’est lui qui a ce qui me reviendrait ? ».

 

Ce qui me reviendrait, parce que le sujet, il a toujours des idées de revendications, il y a toujours quelque chose qui lui manque. Et qu’est-ce qui lui manque, au sujet, fondamentalement ? Eh bien, c’est d’être reconnu. On le méconnaît, le sujet, on n’a pas compris ce qu’il voulait dire. Je suis en train de parler de la vie commune. Et pourquoi est-ce qu’on ne le reconnaît pas, à la fin, quand même ? On ne le reconnaît pas parce que ce qu’il supporte, son support topologique, au sujet, dans l’Autre, le grand Autre, puisque c’est là, dans le grand Autre, qu’il se situe, eh bien, ce sujet, il ne se supporte que d’une faille, et il voudrait tellement faire Un, parce que pour être reconnu il faut faire Un, il faut être Un.

 

Or, son support, ce n’est que la faille, une faille dans l’Autre. C’est de là que sort la voix de sa souffrance, de son exigence, de sa complexité. De sa complexité, parce que s’il est reconnu, eh bien, il ne le veut pas non plus, parce que, comme sujet, ça le fait disparaître, ça le tue. Ça, c’est bizarre, quand même, mais c’est en même temps une clinique banale, c’est-à-dire, celle de ceux qui veulent être reconnus mais qui ne supportent pas le moment où cela pourrait être, ou qui, à ce moment-là, dépriment par exemple. Le sujet. Et cependant aucun de nous, et à juste titre, ne va prendre ce sujet souffrant comme pathologique. On ne dira pas du tout : « Mais il est cinglé, celui-là. ». Pas du tout. Au contraire. Cette situation nous paraîtra toujours comme étant, je dirais, normale. Et pourquoi, elle nous paraît toujours normale ? Elle nous paraît toujours normale parce qu’elle est un effet, cette faille, du Un dans l’Autre, du Un phallique dans l’Autre. Autrement dit, ce sujet est d’une certaine manière dans une relation de souffrance vis-à-vis du Un, mais une relation normale de souffrance vis-à-vis du Un, puisqu’il n’est pas reconnu par lui. Mais une relation normale puisqu’il n’y a pas là de forclusion du UN, il n’y a là justement que l’effet physiologique, si j’ose dire, de ce UN.

 

Et vous voyez bien à cette description que je peux faire à grands traits de quelle manière ce sujet, quel que soit le sexe du locuteur, ce sujet est féminin. Qu’il dit, depuis le chant de l’Autre - vous allez écrire chant comme il faut, ça chante dans cette affaire, le sujet c’est quelqu’un qui chante - eh bien, le sujet, c’est en quelque sorte l’expression normale d’un effet de ce Un dans l’Autre, qui est, par sa scansion, d’introduire la faille, d’où cette voix singulière : ce n’est pas particulière ; particulière, c’est faire partie de l’ensemble, mais là, c’est une voix singulière, c’est une voix en marge, le sujet est marginal, et donc tout seul. Ce n’est pas gai. Eh oui. Et donc cette exigence de grandeur du sujet, cette manifestation de jalousie, cette revendication permanente. Je suis en train de raconter la vie de nos familles, hein !

 

C’est ça la vie dans nos familles. Eh bien, ce sujet n’apparaîtra comme pathologique qu’au moment où, justement, il va consentir à devenir effectivement le Un. Le Un dont jusque-là il fuyait la réalisation. « Ouais, c’est moi, c’est bien moi. ». Parfois, on appelle ça le caractère, mais c’est en tout cas, je dirais, une mutation topologique parce que à partir de ce moment-là, il ne s’agit plus, je dirais, d’une voix qui vient du réel, mais qui, avec cette réalisation, émerge dans le champ de la réalité. La référence au Un est totalement différente, s’il appartient au réel, c’est-à-dire en tant qu’il est transcendantal, ou si le Un qui va se trouver matérialisé dans le champ de la réalité.

 

C’est même une différence dont vous avez la dimension dans la vie collective, dans le champ politique, avec la mutation qu’opère la référence à une autorité transcendantale, dont ceux qui exercent le pouvoir ne sont que des représentants (c’est un mot que vous entendez beaucoup en ce moment. Le problème de la représentation en politique, les problèmes de la démocratie dite directe : on n’a plus besoin de représentants, chacun va être le porteur positivé de l’autorité). La mutation essentielle que cela provoque dans le champ politique, dans le champ social, dans la mesure où le Un transcendantal ménage la place de l’Autre, c’est-à-dire d’un réel réfractaire - ce qu’il faut bien appeler le totalitarisme -  la manifestation sensible du fait qu’il ne peut pas y avoir de tout, il y a toujours un excès au Un qui est le champ de l’Autre, et alors que l’émergence dans le champ de la réalité de ce Un, va procurer à la communauté qui s’en réclame le sentiment de constituer une totalité enfin homogène, où il n’y a plus ni autre, ni étranger : on est tous pareil, la fraternité enfin réalisée.

 

Donc, vous voyez combien ces remarques sur les dispositifs qui nous régissent concernent évidemment aussi bien la vie privée que la vie collective. Et, je vais encore ce soir, puisque vous semblez un peu réceptifs, vous faire deux remarques. Dans le champ de l’Autre, d’où donc partent les messages essentiels, messages adressés au maître pour qu’il ait à s’en débrouiller, il y a trois catégories qui viennent figurer dans le champ de l’Autre : le Un, la lettre, l’objet a, et la faille entre possibles, entre les éléments, la faille qui vient coïncider, je dirais, avec celle du Un.

 

Eh bien, dans le champ de l’Autre, nous allons trouver, avec ce Un, une figure qui nous est familière, une figure qui nous est familière, puisqu’elle est celle de Dieu, et il y a une chose étonnante, c’est que Dieu, ce n’est pas qu’il ait des idées de grandeur - c’est nous qui lui accordons cette qualité, c’est nous qui lui attribuons d’être jaloux (vous savez que notre Dieu est jaloux : il ne veut pas qu’on aille célébrer d’autres cultes que le sien, bon sang de bon soir),  et puis c’est nous qui lui attribuons des revendications, vis-à-vis de nous : d’abord que l’on paye notre tribut, notre dette, qu’on s’acquitte, avec en particulier cette chute de l’objet dont je parlais tout à l’heure, qu’on en fasse le sacrifice (il n’y a pas de société qui ne soit organisée par un sacrifice). Il suffit d’essayer d’évaluer, dans la nôtre, quels sont les caractères de ce sacrifice.  C’est comme ça. En tout cas, moi je trouve quand même assez génial que nous réussissions à faire de la figure de ce Dieu, une figure dont il s’en faudrait de peu pour qu’elle n’apparaisse comme persécutrice. Et il faudrait prendre la mesure, justement, de ce que cet éventuel caractère peut avoir comme conséquences.

 

C’est bizarre, hein ? C’est étrange, mais en tout cas, comme vous le voyez, pour se défendre contre cette virtualité, il faut beaucoup d’amour, à la fois celui qu’on lui attribue, pour nous, et puis celui que nous sommes supposés lui rendre, sauf que du même coup, comme vous le voyez - enfin je ne veux pas trop assombrir le tableau - mais vous voyez qu’il y a là un problème.

 

Et puis enfin, et c’est le troisième élément que je voulais évoquer pour vous, de la paranoïa. Il y a dans l’Autre, cet objet a. Si je me prends moi pour cet objet a, - parce qu’après tout, il est à moi cet objet - le petit trésor, c’est moi qui l’ai été quand même, et j’ai dû y renoncer à être ce petit trésor pour ma mère, donc, mon être il est là, dans cette petite merveille que j’ai dû céder. Eh bien, si cette petite merveille, là encore, au lieu d’être symbolisée, devient réelle, comme l’organise cette dimension qui substitue à celle de l’Autre, la figure de l’étranger, je vais me prendre pour l’objet a du Un dans l’Autre, cela a un nom en clinique, cela s’appelle l’érotomanie, c’est-à-dire que j’ai la certitude d’être le tesson qui manque, le bout de tesson qui manque à celui du Un dans l’Autre, que c’est moi, la véritable partie qui fait défaut : et dès lors, je sais très bien que lui et moi, nous ne faisons qu’un. Et la clinique de l’érotomanie est toujours extrêmement touchante, elle aussi d’une grande pureté, très belle devant ce qui est cette certitude d’une femme d’être pour celui, qui pour elle, vient figurer, prendre la place de ce Un, et qui peut être, d’ailleurs, Dieu. Evidemment, la passion dans laquelle elle se trouve dès lors engagée, avec le fait d’interpeller ce Un quand il appartient au champ social comme étant bien sûr celui qui l’attend, elle, de toujours, et qu’elle-même retrouve,  sachant très bien qu’il n’y a pas de doute.

 

Ce qui dans cette affaire nous intéresse, c’est la façon dont la substitution à la dimension de l’Autre, c’est-à-dire à l’effet de la sexualisation de ce qui est chu du signifiant, de ce qui tombe au-delà de la limite, de ce qui va constituer le corps, de ce qui va être le support de la jouissance sexuelle, la façon dont la substitution à la symbolisation qui permet cette opération - substitution du fait de la forclusion de l’agent responsable de cette opération- produit la dimension de l’étranger. Ce qui se produit dès lors à propos de la paranoïa dans ses trois formes, dans ses trois expressions que je viens si rapidement d’évoquer pour nous vient, je dirais, illustrer un élément majeur de la folie, c’est-à-dire de la paranoïa, avec ce caractère fascinant qu’elle peut avoir dans la mesure le paranoïaque va systématiquement chercher quoi ?

 

Lacan a fait une thèse de médecine en 1932 sur ce qu’il a appelé la paranoïa d’autopunition. C’est-à-dire, sur un cas de paranoïa, où manifestement la femme qui était prise dans cette affaire, Aimée (il l’a appelée comme ça, vous voyez, ce n’est pas par hasard), Aimée a manifestement cherché, par son comportement provocateur et agressif - tentative de meurtre exercée sur celle qui refusait ses avances - Aimée, a manifestement cherché à être punie.

 

Eh bien, il est dommage que nous ne puissions pas avec lui discuter le point suivant : c’est que toutes les paranoïas cherchent la punition. C’est-à-dire à être frappées. C’est-à-dire la seule forme, je dirais, accessible de la castration qui a manqué. Autrement dit, du défaut de sexualisation de ce qui a été retranché. Et il est remarquable à cet égard qu’un cas de paranoïa ne soit pas finalement à la recherche de ce coup, C-O-U-P, perçu comme devant être résolutif, ce qui évidemment ne peut pas être le cas, bien sûr. En tout cas la recherche de la punition.

 

Je ne sais pas si j’ai réussi ce soir à vous rendre sensible, je dirais, ce qui est la relative simplicité de ces mécanismes, mais dont vous voyez toutes les bonnes raisons pour préférer les laisser dans l’ombre. Nous avons de bonnes raisons pour cela, à tous égards. Et puisque nous sommes actuellement dans une période où les préoccupations collectives semblent prendre le pas sur les soucis individuels, je me contenterai de vous faire remarquer combien notre participation politique est très étrange puisqu’elle est chez chacun d’entre nous cette part d’intimité, cette part secrète, bonne pour l’isoloir, et dont nous savons par cœur qu’elle est réfractaire à toute rationalité.

 

Je veux dire qu’on n’a jamais convaincu quelqu’un en matière de politique et de quoi que ce soit. Il y a, paraît-il, des débats. On n’a jamais vu un débat aboutir à ce que ce que l’un des interlocuteurs dise : « Ah mais oui, bien sûr, c’est vrai, je n’y avais pas pensé. ». Non. Non, non, il a déjà tout pensé, c’est-à-dire qu’il n’a rien pensé du tout puisque son engagement, sa détermination se font à partir de dispositions éthiques, inconscientes, et que celles-ci bien entendu non seulement engagent l’intimité de sa subjectivité, mais échappent évidemment à la confrontation dialectique. « Cause toujours, mon ami. Ouais, ouais, bien sûr, ouais, ouais, c’est ça. ».

 

C’est-à-dire que, et c’est là que Freud a loupé quelque chose lorsqu’il a voulu faire de l’inconscient, je dirais, la source d’expressions, parfois purement anecdotiques, comme les lapsus, les rêves, les actes manqués, comme s’il y avait donc d’une part la vie ordinaire, et d’autre part, des accidents qui traversent cette vie ordinaire, et qui seraient l’expression de l’inconscient. C’est là qu’il a manqué quelque chose, et je ne suis pas persuadé qu’on puisse revenir sur ce qui a été manqué là : c’est que l’inconscient, ça ne se traduit pas seulement par des actes bizarres, ou des pensées bizarres, c’est ce qui régit nos conduites, nos pensées, nos sentiments. Et donc, dans la configuration ordinaire, c’est ainsi que chacun de nous peut avoir le sentiment qu’il a traversé l’existence en s’étant complètement raté lui-même, ne sachant même pas, non seulement ce qui lui est arrivé, mais ce qu’il a été.

 

Cette remarque que je vous fait est une considération qui nous amène à avoir vis-à-vis de la psychopathologie, non pas l’attitude, je dirais, « ségrégatrice » de celui qui viendrait justement l’enfermer dans des murs, puisque comme vous le voyez par ce que ce que je suis en train de vous évoquer, si j’ose dire, fait partie de notre ordinaire, mais, mais que ça peut n’être pas sans effets aussi bien au plan individuel que, sait-on jamais, collectif, après tout, on n’en sait rien, que d’avoir un peu de jour là-dessus, quitte à ce que ce ne soit pas soit un jour qui débouche sur un jardin, sur un Eden. Ce n’est pas le cas, malheureusement. Il paraît qu’il était là au départ, l’Eden, mais il ne fait pas partie de nos folâtreries habituelles. Et donc, donc, vous voyez de quelle façon, en traitant de ces questions, nous nous permettons le luxe d’esquisser l’approche d’un problème majeur, celui qu’on appelle rapport du physique et du moral, et dont je ne prétendrai pas que je l’ai résolu et rendu limpide ce soir, - sûrement pas, je n’ai fait que l’esquisser - mais en tout cas, nous nous permettons de l’aborder d’une façon parfaitement originale et qui est sûrement, je dirais, nécessaire. Car cette approche, pour ce qui est du rapport à notre corps comme au corps d’autrui, éclaire ce dont vous pouvez être les témoins, à savoir la façon dont le rapport à ce corps reste offert aux mythes, aux inventions, aux fantaisies, et leçon qui n’est pas négligeable,  offert à des traitements qui ne sont pas forcément les meilleurs, etc. etc.

 

Donc - que je vous regonfle un peu là - vous qui abordez ces domaines, voyez la chance qui vous est offerte d’explorer et de travailler des terrains qui sont fascinants, fascinants, et comme vous le voyez, en plus, porteurs de conséquences pratiques, qui relèvent de la vie quotidienne. Et en particulier dans le rapport au corps.

 

Voilà, est-ce que j’ai été un petit peu à la fin optimiste, un peu tonifiant ? Je ne sais pas. Je l’espère quand même. Mais si nous nous intéressons à la psychopathologie, nous ne pouvons pas éviter, je dirais, ce genre de considération. Est-ce que l’un de vous à une question à poser ? S’il vous plaît …

 

 

Question : il me semble que ces idées de grandeur, de jalousie, de revendication, plus cette idée de devenir l’Un matérialisé dans le champ de la réalité - on voit ces idées dans le mouvement populiste, déjà dans la vie politique. Est-ce qu’on peut voir la paranoïa comme un lien social, donc comme un discours, dans le sens lacanien. Donc ma question, est-ce que la paranoïa peut être considérée du coup, comme cinquième, sixième discours après le discours capitaliste ?

 

Charles Melman : Toute revendication n’est pas paranoïaque. Il ne suffit pas, je dirais, d’être revendicatif pour être dans la paranoïa. Je veux dire que l’injustice sociale, ça existe. Et donc, il y a des revendications qui peuvent faire lien social, assurément, mais qui sont des revendications qu’on peut estimer fondées. La revendication paranoïaque est d’un autre type. C’est une revendication, d’abord, qui ne peut jamais être satisfaite et qui, je dirais même, plus elle sera satisfaite, plus elle s’exacerbera. J’ai le souvenir d’un paranoïaque qui était dans le service hospitalier et où comme j’étais à l’époque jeune et plein d’espoir, je m’étais dit : ce gars-là, je vais le sortir d’affaire. Et donc, tous les matins, je venais à l’aube, c’est-à-dire, avant le début de l’activité du Service, pour le recevoir, dans mon bureau, et avoir avec lui un long entretien, et pour voir si son état était « dialectisable » ou pas.

 

Il était interné parce qu’il avait envoyé toute une série de courriers au Préfet, réclamant une pension et comme ses lettres s’étaient accompagnées de démarches à la préfecture, de tentatives d’entrée dans le bureau du Préfet, etc., il avait donc été interné. Il avait une revendication pour obtenir une pension. Bon. Et pendant, je ne sais pas, cinq, six semaines, je parlais avec lui tous les matins et j’ai obtenu un résultat, figurez-vous. Ah oui ! C’est-à-dire que son délire de revendication sociale, à l’endroit du Préfet, s’est retourné en un délire de jalousie à l’endroit de sa femme. (Rires). C’était elle qui ne lui donnait pas ce qui lui revenait. Il avait tout compris, hein ? Elle devait sûrement le tromper. Etc., etc. Et je dois dire que, bon, ce n’est pas brillant comme résultat, quoique du point de vue social, cela permettait de le faire sortir. Maintenant, c’est sa femme qu’il allait embêter et non pas le Préfet. C’était quand même un progrès. Mais, mais avouez : d’une certaine manière, c’est fascinant quand même. Il fallait qu’il reste sur l’idée d’un dol, d’un dommage subi, d’une faute, et il acceptait de déplacer, je dirais, le responsable du Préfet à sa femme. Ce qui d’une certaine façon était vraiment un progrès, c’est vrai. C’est vrai que c’était un progrès. Il s’approchait plus près de ce qui fait dommage pour un homme et pour une femme, c’est-à-dire le rapport sexuel qui ne se fait pas, qui ne s’établit pas. Il y a là un déficit qui peut facilement être interprété comme un dommage, imputable à l’un ou à l’autre. Le seul problème, c’est, dans ce cas-là, la certitude où se situe celui qui est le responsable du dommage, et dont on attend réparation. On entre dans des cas de figure beaucoup plus … beaucoup plus quoi ? Beaucoup plus simples, classiques … Vous aussi, vous aviez une question ?

 

Question : Oui. Vous parlez des retrouvailles avec le Un, le petit tesson de bouteille qui fait liaison. Alors moi, je voudrais savoir votre idée sur l’attente du messie, l’attente messianique. Qu’est-ce que vous en pensez ?

 

Charles Melman : Alors, qu’est-ce que je vais vous répondre ?

 

Intervention dans la salle : Jésus était érotomane, non ?

 

Charles Melman : Non, non, non. Ecoutez, c’est bien d’attendre. Eh bien voilà.

Il y a même des psys qui font attendre. Ce n’est pas mal. C’est un exercice intéressant, hein ?