Dr Céline Rumen : Les particularités de la loi du 5 juillet 2011

Conférencier: 

Ephep, le 11/02/2016  

Nous allons évoquer désormais les modalités de soins en psychiatrie tels qu'ils sont énoncés par la loi du 5 juillet 2011. Je pense que c'est important que vous connaissiez les modalités de soins et d'hospitalisation car, en tant que psychothérapeutes vous serez peut-être amenés à décider ou à souhaiter une hospitalisation pour l'un de vos patients et c'est toujours utile de savoir le faire ou de savoir de quoi il retourne.

Donc en ce qui concerne les modalités de soin, la loi est disponible dans le code de santé publique relatif à l'organisation des soins psychiatriques. 

L'organisation des soins psychiatriques durant les 50 dernières années : je vais vous faire lecture d'un document qui est édité par la « Psycom » qui a été élaboré par la directrice adjointe de Ste Anne Mme Alamowitch, ainsi que la directrice de Psycom et la  chargée de mission de l'ARS, de manière à ce que vous ayez finalement les modalités administratives les plus nettes possibles, et en même temps je trouve que c'est un document très intéressant pour se faire une idée de l'esprit de la loi. Ça  évite directement d'en faire un commentaire qu’on ne se privera pas de faire ensuite.

Ce document nous dit que « durant les 50 dernières années, l’organisation des soins psychiatriques a beaucoup évoluée, passant d’une offre exclusivement hospitalière à un ensemble de soins dans des structures ambulatoires, voire à domicile au plus près des populations. Ainsi 75% des adultes et 97% des enfants et adolescents soignés par des services publiques de psychiatrie ne sont jamais hospitalisés mais suivis en ambulatoire. Chaque secteur peut disposer de plusieurs lieux de soins ; centre médicaux psychologique (CMP) pour les consultations et l’orientation, centre d’accueil à temps partiel (CATTP) pour les activités, hôpitaux de jour, centre d’accueil et de crises, centre de postcure, appartement thérapeutique et unité d’hospitalisation. Chaque service est rattaché administrativement à un hôpital spécialisé ou général. La taille, la superficie, les moyens et le type de soins proposés par les secteurs sont très variables. » … D’autant que la question du secteur est en train d’être remaniée et repensée.


« Modalités de soins psychiatrique : le code de la santé publique défini les modalités de soins en psychiatrie – réformé en juillet 2011 et en septembre 2013 – il pose le principe du consentement aux soins les personnes atteintes de troubles mentaux, énonce l’exception des soins sans consentement et défini ces modalités d’application. Dans ce cas, c’est plus l’absence de soins qui créée préjudice aux patients que leur mise en œuvre sans son consentement. Les droits des patients soignés sans leur consentement sont réaffirmés ;

1° - le patient reste un citoyen à part entière.

2° - les hospitalisations longues ne doivent pas être la règle.

3° - le patient doit être informé notamment sur ses droits et voies de recours et doit pouvoir présenter ses observations si son état le permet sur la mesure le concernant.

4°- le patient doit être le plus possible associé aux décisions et aux soins le concernant.

5° - le patient peut signaler sa situation au contrôleur général des lieux de privation et de liberté

6° - il y aura lieu un contrôle systématique de la nécessité et du maintien des mesures d’hospitalisation sans consentement par le juge des libertés et de la détention (JLD)

7° - il existe un droit de saisine de la commission des relations avec les usagers, de la qualité et de la prise en charge.

 

Le dispositif législatif et réglementaire (dispositif de juillet 2011, modifié en septembre 2013)

Les soins psychiatriques libres demeurent la règle.

 

Définition de trois modalités de soins psychiatriques sans consentement : Les soins sur décision du directeur d’établissement de santé peuvent être de deux sortes : les soins psychiatriques à la demande d’un tiers en urgence ou non (SDT ou SDTU), les soins psychiatriques en cas de péril imminent sans tiers (SPI). Et la troisième modalité porte sur les soins psychiatriques sur décision du représentant de l’état (SPDRE/ SDRE).

 

Diversification des modalités de soins sans consentement : Introduction de la notion de soins déambulatoires sans consentement. Hospitalisation à temps partielle, soins à domicile, consultation ambulatoire, activité thérapeutique. Alternatif à l’hospitalisation complète et remplaçant les sorties d’essaies ou séquentielles qui existaient dans la loi de 1990. Période d’observation d’une durée maximum de 72 heures en hospitalisation complète sans consentement avant de proposer un type de prise en charge ; sortie, soins ambulatoires libres, hospitalisation libre, programme de soins ambulatoires sans consentement ou hospitalisation complète sans consentement.

 

Suppression des sorties contre avis médical : Le tiers ou toutes personnes de l’entourage doit saisir le juge des libertés de la détention en cas de désaccord avec le médecin conforté par la position du directeur. Obligation de réaliser un examen somatique complet par un médecin dans les 24 heures suivant l’admission prononcée par le directeur. A plus des saisines facultatives, le juge de la liberté et de la détention exerce un contrôle systématique avant le 12ème jours et au 6ème mois de toutes les hospitalisations complètes sans consentement. Le juge peut soit lever l’hospitalisation complète soit la maintenir. Le défaut de décision du juge avant la fin des délais entraîne la main levée de la mesure.

 

Soin psychiatrique avec consentement du patient, soins libres : Ces soins sont privilégiés si la personne consent aux soins. En France 75% des personnes soignées par le service de psychiatrie publique sont exclusivement suivies en ambulatoire (jamais hospitalisées). Parmi les personnes hospitalisées, 80% le sont avec le consentement. Elles ont les mêmes droits d’exercice des libertés individuelles que les malades soignés pour une autre cause, libre choix du médecin de l’établissement, choix de la fin des soins.

 

Soin psychiatrique sans consentement du patient : ces soins sont exclusivement réalisés par les établissements autorisés en psychiatrie chargés d’assurer cette mission et selon plusieurs modes d’admission ;

- Soin psychiatrique à la demande d’un tiers en urgence ou non ; elles étaient eues

- Soin psychiatrique en cas de péril imminent sans tiers (SPI)

- Soin psychiatrique sur décision du représentant de l’état (SDRE)

 

L’admission en soin psychiatrique à la demande d’un tiers ou urgent. Trois conditions doivent être réunies : la présence de trouble mentaux, l’impossibilité pour le patient de consentir aux soins, la nécessité de soins immédiat et de surveillance médicale constante ou régulière. Le tiers est toutes personnes susceptibles d’agir dans l’intérêt du patient : un membre de sa famille ou de son entourage, une autre personne pouvant justifier de l’existence de relation avec le patient, antérieur à la demande de soin, lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt du patient à l’exclusion des personnels soignants qui exercent dans l’établissement d’accueil. S’il rempli les conditions ci-dessus, le tuteur ou le curateur du majeur protégé peut faire une demande de soin pour celui-ci.

 

Les formalités d’admission exigent : une demande d’admission manuscrite présentée par un tiers, datée et signée par la personne qui la formule et accompagnée d’une copie de sa carte d’identité. Cette demande comporte nom, prénom, profession et résidence habituelle ou lieu de séjour de la personne qui demande les soins et de celle dont les soins sont demandés. Elle détaille la nature des relations qui existent entre elles et s’il y a lieu leur degré de parenté. Elle peut-être transmise par fax ou scan.

Les formalités en plus de cette demande d’admission manuscrite comportent deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours, attestant que les troubles rendent impossible le consentement de la personne. Son état impose des soins immédiats et une surveillance constante, hospitalisation complète ou régulière, soin ambulatoire ou hospitalisation partielle. Les deux certificats doivent être concordants et circonstanciés. Les médecins établissant les certificats ne doivent être ni parents, ni alliés entre eux, ni avec le directeur d’établissement qui prononce la décision d’admission, ni avec le tiers demandeur ni avec le patient. Le premier certificat doit être établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil. Le deuxième certificat doit être établi par un autre médecin qui peut exercer dans l’établissement d’accueil sans être nécessairement psychiatre. Le médecin qui établi le second certificat n’est en rien lié par les constatations et conclusion du premier médecin. Après un examen médical, il rédige son certificat en toute indépendance. Si les deux certificats médicaux n’aboutissent pas aux mêmes conclusions, le directeur ne peut pas prononcer l’admission. Exceptionnellement, en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du patient, et uniquement dans ce cas, le directeur de l’établissement peut prononcer à la demande d’un tiers l’admission au vu d’un seul certificat médical émanant le cas échant d’un médecin de l’établissement d’accueil (SDTU). Le certificat doit indiquer l’immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient. La demande d’un tiers reste indispensable. Dans ce cas le second certificat médical établi 24h après l’admission doit être établi par un psychiatre distinct.


Admission en soin psychiatrique à la demande d’un tiers ou péril imminent (SPI). En cas de péril imminent pour la santé de la personne et d’impossibilité d’obtenir une demande de tiers à la date d’admission, le directeur peut prononcer l’admission en soin psychiatrique. Le certificat est établi par un médecin qui ne peut exercer dans l’établissement accueillant et doit indiquer les caractéristiques de la maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le directeur de l’établissement d’accueil informe dans un délai de 24h sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soin ou la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou à défaut toutes personnes justifiant de l’existence de relation avec la personne malade, antérieur à l’admission en soin, et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.

En sommes le directeur c’est à dire l’établissement d’accueil a 24h pour trouver un tiers s’il en existe un et s’il en existe un, doit transformer le placement en péril imminent en placement à la demande d’un tiers.

 

Admission en soin psychiatrique sur décision d’un représentant de l’état (SDRE) : 4 conditions doivent être réunies : la présence de trouble mentaux, l’impossibilité pour le patient de consentir aux soins, la nécessité de soins et d’une surveillance médicale constante ou régulière, l’atteinte à la sûreté des personnes ou de façon grave à l’ordre public. La décision est rendue par Arrêté du préfet au vue d’un certificat médical circonstancié, ne pouvant émané d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil. En cas de danger immédiat pour la sureté des personnes attestées par un avis médical, le maire (à Paris, le Préfet) arrête à l’égard les personnes dont le comportement relève de troubles mentaux manifestes toutes les mesures provisoires nécessaires. Il en réfère dans les 24h au Préfet qui statut sans délai sous forme d’un Arrêté. Le directeur informe sans délai le Préfet et la commission départementale des soins psychiatriques de toutes décisions d’admission d’une personne en soin psychiatrique sans son consentement.

 

Période initiale d’observation et de soin psychiatrique : la personne admise en soin sans consentement fait l’objet d’une période initiale d’observation et de soin sous la forme d’une hospitalisation complète sans consentement d’une durée maximale de 72h. Son avis et son consentement doivent être recherchés afin de l’associer aux soins qui lui sont prodigués. Dans les 24h suivant l’admission, un médecin réalise un examen somatique complet. Un psychiatre de l’établissement d’accueil établit également un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques sans consentement au regard des conditions d’admission. Dans les 72h suivant l’admission, un nouveau certificat médical est établit par le psychiatre de l’établissement d’accueil. En cas d’urgence ou de péril imminent, le psychiatre est différent de celui qui a établi le certificat médical de 24h et différent du rédacteur du certificat initial.

A l’issus des 72h, plusieurs options : la fin des soins sans consentement, c’est-à-dire la levée de la mesure de contrainte – si un des certificats rédigés à 24 ou 72h conclu que ces soins sans consentement ne sont plus justifiés.

La poursuite des soins sans consentement  - un psychiatre de l’établissement d’accueil propose le type de prise en charge : programme de soins ou hospitalisation complète en établissant un certificat. La prise en charge se poursuit en hospitalisation totale ou partielle ou en soin ambulatoire. A tout moment de la prise en charge la contrainte peut être levée. En ce qui concerne les soins par représentant de l’état, la contrainte peut-être demandée à être levée.

 

Programme de soins - c’est un document écrit définissant toutes les prises en charges hors hospitalisation complète. Etablit et modifié par le psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne en soin sans consentement, il indique les modalités de prise en charge. Hospitalisation à temps partiel, hôpital de jour, hôpital de semaine, soins ambulatoires – CMP, CATTP, soins à domicile, existence d’un traitement médicamenteux prescrit dans le cadre des soins psychiatriques. Aucune mesure de contrainte ne peut être exercée à l’égard d’un patient en programme de soin. Il précise la forme de l’hospitalisation partielle, la fréquence des consultations, des visites ambulatoires ou à domicile, et si elle est prévisible, la durée des soins. Il mentionne tous les lieux de ces prises en charge. L’élaboration du programme et ses modifications sont précédées par un entretien au cours duquel le psychiatre recueil l’avis du patient notamment sur le programme qu’il propose ou ses modifications afin de lui permettre de faire valoir ses observations. Chaque fois que nécessaire, le psychiatre informe le patient de sa situation juridique, de ses droits, de ses voies de recours et de ses garanties. Il lui indique que le programme de soin peut être modifié à tout moment pour tenir compte de l’évolution de son état de santé, qu’il peut proposer son hospitalisation complète notamment en cas d’inobservance de ce programme susceptible d’entrainer une dégradation de son état de santé. La mention de cet entretien est notée sur le programme de soin et le dossier médial du patient.

 

Suivis des mesures de soins sans consentement. Certificats médicaux de suivis – dans le mois qui suit la décision d’admission et au moins tous les mois, les soins peuvent être maintenus et un certificat médical est de nouveau établit par le psychiatre. Le patient est informé de chacune des décisions et son avis doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible. Lorsque la durée des soins excède une période continue d’hospitalisation complète d’un an à compter de l’admission en soin, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation approfondie de l’état de la personne réalisée par un collège, c’est-à-dire un psychiatre participant à la prise en charge du patient, un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient, et un représentant de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient. Ce collège recueil l’avis du patient s’il est en SDT.

 

Saisine du juge des libertés et de la détention – l’hospitalisation complète d’une personne sans son consentement, ne peut se poursuivre que sans que le juge des libertés et de la détention, saisi par le directeur, ou par la préfecture de police de Paris (SDRE), les statuer sur cette mesure. Cette saisine a lieue avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission sans consentement du patient. Avant l’expiration d’un délai de 12 jours, lorsqu’on modifie la prise en charge sans consentement du patient par une hospitalisation complète. Au plus tard 2 semaines avant l’expiration d’un délai de 6 mois, suivant la décision judiciaire, prononçant l’hospitalisation et si le patient a été maintenu en hospitalisation complète continue depuis cette décision. La saisine du JLD, par le directeur est accompagnée d’un avis motivé, rédigé par un psychiatre de l’établissement d’accueil. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète. Tous les certificats et avis sont transmis au juge et communiqués au patient et/ou à son avocat. Le JLD peut ordonner une expertise.

 

Audience – le JLD statut à l’issus d’une audience pendant laquelle la personne en soin psychiatrique est entendue assistée de son avocat ou représentée par lui. L’avocat est choisi par la personne ou désigné par l’aide juridictionnelle ou commis d’office par le juge au cas échéant. L’assistance par un avocat est imposée à partir de septembre 2014. L’audience à lieu en salle d’audience au Tribunal de Grande Instance (TGI) ou dans une salle prévue à cet effet à l’hôpital. Suite à cette audience, le JLD ordonne s’il y a lieu, la main levée de la mesure d’hospitalisation complète. Il est possible de faire appel sous 10 jours à dater de la notification de l’ordonnance du JLD, devant le premier président de la cours d’appel. Lorsque le juge n’a pas statué dans les délais, la main levée est acquise à l’issus de chacun des délais.


Sortie accompagnée de courte durée, moins de 12h – pour favoriser leur guérison, leur réadaptation, ou leur insertion sociale, ou si les démarches extérieures sont nécessaires, les personnes en hospitalisation sous contrainte peuvent être autorisées à bénéficier d’autorisation de sortie de l’établissement n’excédant pas 12h. La personne est accompagnée pendant toute la durée de la sortie par un ou plusieurs membres du personnel de l’établissement et/ou un membre de la famille ou par la personne de confiance qu’elle aura désignée sur le dossier médical. Les patients en hospitalisation complète SDT, autorisation accordée par le directeur après avis favorable par le psychiatre responsable de la structure médicale concernée. Pour les patients en hospitalisation complète SDRE, le Préfet est informé 48h avant la sortie accompagnée et sauf son opposition, la sortie a lieu.

 

Sortie non accompagnée de 48h ou plus - l’autorisation est accordée par le directeur après avis favorable d’un psychiatre. Dans le cas d’un SDRE, la demande est transmise 48h avant au Préfet. Sauf opposition écrite notifiée 12h au plus avant la date prévue, la sortie peut avoir lieu. Dans le cadre d’une SDT, le tiers est informé. Le tiers peut solliciter une autorisation de sortie sur certaines conditions.

 

Droits des personnes soignées sans leur consentement – les restrictions à l’exercice des libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état mental de la personne et à la mise en œuvre du traitement requis. En toute circonstance la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée. Avant chaque décision de maintien des soins sans consentement ou de nouvelles formes de prise en charge, la personne, et si son état le permet, informée, est invitée à faire valoir ses observations par tous moyens et de manière appropriée à cet état. Toute personne faisant l’objet de soin sans consentement est informée le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions ainsi que des raisons qui les motivent. Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet, et par la suite à sa demande et après chacune des décisions de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes. La vie de la personne sur les modalités de soins doit être recherchée et prise en considération dans toute la mesure du possible. En toute état de cause, la personne dispose du droit ; 1- de communiquer avec les autorités, le représentant de l’état dans le département ou son représentant, le président du TGI ou son délégué, le procureur de la république du territoire de l’établissement, et le maire de la commune ou son représentant. 2 – de saisir la commission départementale des soins psychiatriques et si elle est hospitalisée, la commission ou des relations avec les usagers de la qualité de la prise en charge de l’établissement de santé. 3 – de prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix. 4 – de porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté, des faits ou des situations susceptibles de relever de sa compétence. 5 – d’émettre ou de recevoir des courriers. 6 – de consulter le règlement intérieur de l’établissement et de recevoir les explications qui s’y rapportent. 7 – d’exercer son droit de vote. 8 – de se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix. Ces droits, sauf 5, 7 et 8 peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d’agir dans l’intérêt du malade.

 

Le JLD peut être saisi à tout moment, afin d’ordonner une levée immédiate d’une mesure de soin psychiatrique quelle qu’en soit la forme. La saisine peut être faite par la personne faisant l’objet des soins. Les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure, la personne chargée de sa protection si majeure, elle a été placée en tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civile de solidarité, la personne qui a formulé la demande de soin, un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne faisant l’objet des soins.

 

Le procureur de la république – le JLD peut également se saisir d’office à tout moment. Toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu’elle estime utiles sur la situation d’une personne faisant l’objet d’une telle mesure. Où s’adresser en dehors de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge présente dans chaque établissement de soin, plusieurs ressources existent pour être aidé dans ces démarches. (Code de la santé publique, ministère de la santé, revue psycom, etc…)

 

 (http://www.psycom.org/Droits-en-psychiatrie/Modalites-de-soins-en-psychiatrie )

 

Donc je viens de vous relater la complexité, que vous aurez sans doute remarquée, désormais de l'hospitalisation sans consentement. Avant tout développement plus approfondi, il y a une remarque que je tiens à faire c'est que désormais on parle bien de « soins sans consentement »  au lieu « d'hospitalisation » avec la nouvelle loi,  ce qui constitue en soi une différence sémantique majeure, puisque la loi de 1990 régissait elle, les hospitalisations sans consentement.

 

Deuxième remarque, il n'est actuellement pas possible de proposer au patient des soins ambulatoires sans consentement sans une hospitalisation complète préalable. Contrairement à ce que pourrait faire croire l'intitulé, la manière dont sont rédigées les modalités de soins. La loi du 5-07-2011 apporte donc deux modifications majeures au régime des hospitalisations sans consentement. La 1ère de ces modifications est l'introduction du contrôle systématique par le JLD de toute hospitalisation prolongée au-delà de 12 jours. La seconde substitue à la notion  d'hospitalisation, celle de soins et crée de ce fait, une obligation de soin qui n'existait au préalable qu'au tribunal. En définitive, une question : quelle légitimité pour contraindre une personne à se soigner ?

 

On notera que depuis 1838 et contrairement à la plupart des autres pays européens, c'est toujours l'administration, directeur de l’hôpital ou préfet, et non le juge ou l'instance judiciaire,  qui a le pouvoir de placer une personne en hôpital psychiatrique. Le juge intervient désormais, certes mais c'est a posteriori, la nouveauté résidant dans le caractère systématique de son contrôle.

 

Sur le plan pratique, on pourra là aussi noter deux choses : la difficulté de mise en œuvre matérielle de ces auditions. Vous imaginez que toutes les personnes hospitalisées sans consentement voient le JLD sinon ça rend ces hospitalisations caduques. Et l'absence de moyens supplémentaires alloués ni à la justice ni à la psychiatrie. Donc tout ça est fait à moyens constants. Par exemple, nous, aux hôpitaux de Saint Maurice, anciennement Hôpital Esquirol, nous avons fait le choix de créer une salle d'audience au sein de l'établissement puisque pendant un certain temps, à partir de 2011 donc, nous avons trimballé, et c'est bien le terme, les patients au TGI de Créteil, où ils étaient auditionnés à la chaîne. Donc désormais ils sont toujours auditionnés  à la chaîne, mais à l’hôpital où le juge se déplace deux fois par semaine. Ça  permet d'organiser à peu près, sauf couac et dans ce cas il y a des transports, mais ça permet en général d'organiser toutes les audiences nécessaires pour toutes les hospitalisations. La création de cette salle d'audience  à l’hôpital et le secrétariat qui a été imposé pour  pouvoir la mettre en œuvre a eu un coût que l’hôpital a supporté  et aucun crédit n'a été alloué, au contraire nous avons toujours des budgets qui diminuent. Donc c'est bien sur l'offre de soin qu'a  été ponctionné ce budget supplémentaire permettant l'audience à l’hôpital des patients hospitalisés. Donc ça c'est ma première remarque.

 

La deuxième chose à noter sur la plan pratique c'est la pullulation de certificats et autres paperasseries menaçant quotidiennement l'équilibre environnemental et plus sérieusement le temps clinique consacré au patient. En sachant que en plus des certificats que je vous ai cités pour chacune des modalités d’hospitalisations, à chaque fois qu'il y a une saisine ou la moindre modification il y a production d'un certificat médical, d'une notification, etc., qui est donc envoyé au juge, et à chaque fois que le juge statue il y a un retour courrier avec une notification qui doit être signée par le patient et qui vaut preuve d'information. Donc à chaque fois qu'on fait une démarche, quelle qu'elle soit, à chaque fois vous avez une transmission et une retransmission qui doit être signée du patient, le tout étant copié et recopié, mis au dossier , etc.

 

Donc vous comprenez bien que ça fait des dossiers qui montent et du temps consacré au patient qui diminue.

 

Pour poursuivre dans les notes et critiques, on pourra constater que la rééquilibration des pouvoirs en jeu en terme d'hospitalisation, à savoir le pouvoir médical, le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif, ne s'est pas franchement faite au détriment dudit pouvoir médical, mais a introduit un pouvoir judiciaire systématique là où il était essentiellement administratif. Ainsi concernant les hospitalisations d'office, de la loi de 1990 et de 1838, le préfet avait jusqu'à présent autorité notamment en ce qui concernait les levées de placements. Ce n'est plus le cas dans la nouvelle loi qui permet l'introduction d'un 2ème avis médical concordant et la saisine en cas de refus préfectoral du JLD. La loi fait ici écho à une tendance manifeste soulignée par les fédérations hospitalières et confirmée par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, à refuser d'accorder des sorties d'essai ou de lever des hospitalisations d'office. On avait effectivement constaté depuis la promulgation de la loi de 1990 que concernant les HO, il y avait une tendance certaine, statistiquement prouvée que les préfets, accordaient moins de sorties à l'essai ce qui était le régime avant le programme de soins, et accordaient moins de levées du régime HO qui est le régime le plus contraignant.

 

Une autre nouveauté de cette loi 2011 est le SPI, soins en péril imminent. Alors qu'avec la loi de 1990 le tiers était obligatoire, cette disposition permet, le plus souvent en service d'urgence, d'hospitaliser sans consentement et sans demande de tiers, à charge de l'établissement d'accueil de régulariser dans les 24h ou en prévenant la famille ou les proches et en transformant  le régime d'hospitalisation. Il est bien certain que sous couvert de facilitation d'accès aux soins des plus démunis, cette modalité permet en fait un forçage à l'hospitalisation et des contraintes administratives et de responsabilités accrues pour les services accueillants. D'autre part cette modalité nouvelle crée une véritable rupture, une rupture inédite en 200 ans  de psychiatrie française à propos de ses règles d'hospitalisation contrainte où c'était soit l’État soit la famille qui était à l'initiative. Désormais, on introduit en quelque sorte une certaine défiance et un déséquilibre de positions entre service adressant et service accueillant.

 

Enfin pour terminer sur ces remarques concernant la nouvelle loi du 5.7.2011, je reviendrai sur la question épineuse du programme de soins ambulatoires. Tout d'abord il faut repréciser que la loi entre en contradiction  avec l'égalité des citoyens devant le droit au refus de soins consacré par la loi du 4.3.2002. La loi de 2011 permet  un statut particulier, qu'on dira exorbitant du droit commun pour les personnes ayant des troubles mentaux. Ces derniers formeraient donc une catégorie homogène aux yeux de la loi notamment au regard de leur capacité ou incapacité à consentir. Capacité qui sera déterminée en dehors de tout contexte d'infraction. En effet jusqu'à présent en France les soins obligés étaient uniquement ordonnés par le juge dans le cas d'une procédure pénale avant ou après une déclaration de culpabilité. Le programme de soins lui, n'est pas soumis à contrôle systématique du juge et peut se prolonger  ad vitam sans que grand monde ne s'en inquiète. Il permet de croire que l'hospitalisation ne serait  qu’une privation de liberté et qu'en définitive le soin ambulatoire n'en serait pas une tant qu'il ne s'exerce pas à l’hôpital. Il vient marquer du sceau particulier de l'hypocrisie libertaire, ce qui n'est qu'en fait une privation de liberté exercée à domicile par un système qui n'a pas ou plus les moyens de sa prétention au risque nul. Cela soulève des questionnements cliniques et éthiques inédits et que nous pouvons poursuivre si vous le voulez bien. J'attends vos questions...

 

Q: une question d'ordre clinique ; il me semble que dans les dernières années toutes les pressions de l'ARS vont vers le fait de raccourcir, d'aller de plus en plus vite quand les gens sont hospitalisés. Je suis infirmière, j'ai travaillé en intra hospitalier, et au moment où on s'est mis à devoir, comme vous dites, traîner les patients devant le JLD, en étant de fait pas plus nombreux dans l’équipe, on avait quelquefois des situations qui étaient dantesques, des patients en pleine crise, en pleine décompensation en chambre d'isolement, qui commençaient à avoir des traitements et qu'on amenait dans une salle d'audience, qui avait été aménagée dans l’hôpital, devant quelqu'un dont il ne savait pas qui il était, qui leur posait des questions, on avait des scènes complètement délirantes ! Qui faisaient flamber comme on disait, qui n'étaient en tout cas aucunement apaisantes, et dont on avait l'impression qu'elles visaient à faire vite, ça donne l'impression de quelque chose d’aberrant cliniquement.

Ce n’est pas vraiment une question, c'est pour partager un souvenir qui n'est pas un bon souvenir en fait du moment où ça a été mis en place au sein de l’hôpital. Ça avait été très mal vécu par les équipes.

La deuxième question : il arrive maintenant qu'on accueille des patients en soins pour personnes jugées pénalement irresponsables.

 

CR : c'est vrai que c'est une partie que je n'ai pas abordée

 

Q : je voulais juste vous demander pourquoi vous ne l'aviez pas abordée

 

CR : parce que je pense qu'elle le sera par les docteurs Dubec et Zagury. Et que c'était du coup quelque chose de différent de l'histoire et des modalités de l'hospitalisation sous contrainte. Voilà, c'est un parti-pris.

 

Q : je voudrais initier le débat sur les contradictions qu'il y a au sein de cette loi puisque au niveau des opérateurs de terrain, ceux qui initient les hospitalisations sous contrainte on a l'impression que leur défaut de formation, les lacunes de la permanence des soins sont compensées par un luxe de précisions, de détails, d'obsessionalité, de contrôle, dont vous avez bien fait le détail. Pour poser une question qui synthétise tout ça : est-ce que vous pourriez nous éclairer, quand la loi dit quelles sont les personnes qui ont le droit d'exercer la contrainte. On parle d'hospitalisation sous contrainte, sans consentement ; nulle part je n'ai vu qui pouvait exercer la contrainte. Or il faut bien que quelqu'un se rapproche du patient, le convainque ou le saisisse même, selon le type d’hospitalisation puisque dans les SDRE, il s’agit de saisie au corps. Et que nulle part on ne dit qui fait cette saisie de corps. Les médecins généralistes ne sont plus sur le terrain dans les situations nocturnes, de nuit profonde comme dit l'administration, pour tenter de régler ce genre de situation. D'autre part les pompiers ont reçu des consignes fermes et définitives, militaires de ne pas exercer cette contrainte physique, la responsabilité en repose sur les équipes de SMUR dans ces situations de désert médical ces équipes n’ayant pas de formation ou dont la formation remonte à bien longtemps. Les familles ne sont pas dans la situation de pouvoir exercer la moindre contrainte. Puisque je fais partie de ces équipes qui interviennent sur le terrain on est donc nous-mêmes contraints à inventer des concepts du genre « pression dynamique » pour faire une HDT où on regroupe du monde et avec peu de violence, pas de brutalité, on essaie d'amener par des mouvements divers de foule les personnes à monter dans des ambulances, quand certains collègues ne sont pas amenés par défaut d'éthique, à dire des gros mensonges aux patients pour les amener dans les structures qui peuvent les prendre en charge. Les seules situations, et vous allez voir la perversion de la chose, où il semble que ce soit clair, c'est celles des SPDRE où les forces de police ont le devoir d'intervenir et sont les seules à pouvoir exercer la contrainte voire la violence. Ce qui pousse les gens du terrain à devoir pousser des situations comportementales à bout, pour que la personne tombe dans la situation d’être sous le coup d'un SPDRE. Et dans ce cas là, il y a effectivement une contrainte. J'aimerais que vous fassiez un commentaire sur ce sujet.

 

CR : effectivement c'est vrai que c'est paradoxalement difficile d'hospitaliser quelqu'un sous contrainte avant qu'il arrive à l’hôpital.

Alors est-ce que, en effet, la complexité et l'ultra réglementation de la loi sur les hospitalisations sans consentement viennent pallier la carence en ces termes, c'est possible. D'autant que par exemple sur Paris on n'est pas les plus mal lotis ! En province, ce que vous décrivez c'est bien plus complexe encore. A Paris il y a un chemin assez tracé, la police, le CPOA, les services d'urgence qui sont en général à proximité. 

Je pense aussi que les situations d'urgence comme vous pouvez les décrire, de fureur, d'agitation extrême, se voient plus du fait aussi d'un raccourcissement des hospitalisations et d'un turn-over hospitalier très important. Ce qui fait que les services dont vous faites partie sont amenés à s'occuper de patients décompensant plus rapidement, plus vite et plus fort.

 

Q: un internaute vous demande de revenir sur « la rupture de 200 ans », celle qui entraine le mélange de service dénonçant et le service accueillant

 

CR : il y a une rupture inédite de 200 ans dans la psychiatrie française parce que jusqu'à présent, pour hospitaliser quelqu'un il fallait  au moins ou l'intervention de l’État et de ses représentants, ou l'intervention de la famille ou d'un proche. Et que désormais avec le SPI, on peut hospitaliser quelqu'un sans tiers avec uniquement un certificat médical.

 

Q : quand une personne est hospitalisée à la demande d'un tiers : les conditions sont très difficiles, quelles sont les possibilités pour la famille de retirer la personne hospitalisée ?

 

CR : c'est aussi une nouveauté que je n'ai pas précisée. Avec la HDT de la loi de 1990, le tiers avait la possibilité de retirer sa demande d'hospitalisation et ainsi l'hospitalisation était rendue caduque et il sortait contre avis médical. Désormais il ne peut plus retirer sa demande d'hospitalisation et en général on ne l'informe pas de ça quand il est aux urgences, ce qui fait que la seule possibilité qu'il ait éventuellement d'agir pour lever c'est la saisie du JLD.

 

Q: c'est assez paradoxal, on a l'impression qu'il faut toujours informer le patient, c'est très rigidifié, d'un autre coté il faut l'informer tout le temps, qu’il y ait des contrôles en permanence, …

 

CR : c'est le principe-même de la bureaucratie ! En effet il ne faut pas informer le patient, il faut prouver qu'on l'a fait ! Ce n’est pas pareil.

Q: par ailleurs il me semble qu'il y a de moins en moins de psychiatres ?

 

CR : c'est encore assez stable mais ça va commencer à baisser. En tout cas les psychiatres d'exercice public oui il y en a moins.

 

Q : Et on a l’impression qu’il en faudrait beaucoup dans le processus

 

CR : C'est infernal ! Nous qui sommes psychiatres parisiens encore assez bien lotis parce qu'on a encore pas mal de postes dans nos services ; c'est parfois compliqué sur les week-ends notamment de faire coïncider le fait que les certificats ne soient pas signés par celui-là, alors j'imagine seulement en province où on sait que le nombre de psychiatres est très inférieur, comment les choses doivent se passer.

 

Q: y a-t-il des spécificités inscrites dans la loi pour la pédopsychiatrie ?

 

CR : oui effectivement il y a les modalités d’hospitalisation sous contrainte des mineurs de plus de 15 ans ½ jusqu'à 18 ans, c'est une OPP, ça existe effectivement. L'hospitalisation pédopsychiatrique sans consentement il faut savoir qu'elle ne se fait jamais dans les services de pédopsychiatrie, elle se fait toujours dans les services de psychiatrie adulte.

 

Q: vos expériences cliniques ? Quels sont les profils de vos patients ? Dans quels services ? Quels soins ? Quelles contraintes ?

 

CR : ça serait long de faire ça ! Je suis psychiatre praticien hospitalier temps plein dans un service de psychiatrie générale ; mes patients, que ce soit à l’hôpital ou au CMP ce sont des patients psychiatriques divers et variés et en tant que patients ils peuvent présenter toutes formes de singularités et de pathologies.

 

Q: dans cet apparent marasme de la psychiatrie française, est-ce que vous avez une lueur qui apparaît dans les débats, dans les structures, dans les syndicats, qui manifesterait d'expériences avancées  ou d'expériences opposées comme Laborde à une époque ? Est-ce qu'il y a un espoir qui apparaît par rapport à toute cette misère ?

 

CR : il existe bien sûr des aspects de résistance, il y a  le collectif des 39 par exemple qui reste vigilant notamment sur cette loi, elle a d'ailleurs été révisée en 2013, notamment sur la question des sorties à l'essai, des petites choses qui ont été faites.

Concernant les lueurs, la mienne ne se situe pas véritablement dans l'espoir d'un changement législatif radical apparaissant dans les prochaines années, je ne le crois pas. Je crois malheureusement que cette loi elle plaît beaucoup sur le plan sociétal et je n'imagine pas que pour l'instant il y ait une telle rupture entre l'opinion publique générale concernant les soins psychiatriques et la psychiatrie. Je n'imagine pas qu'on puisse revenir ou remettre en cause la loi dans son esprit telle qu'elle est élaborée actuellement. Néanmoins ce qui me permet de continuer à travailler comme psychiatre c'est ce lien particulier, cette relation particulière que  je continue tous les jours de tisser avec chacun de mes patients.

 

Q: les injonctions de soin ?

 

CR : ça ne rentre pas dans le cadre de la loi relative aux soins sans consentement. Là c'est le code de santé publique. Les injonctions de soins sont prévues au code pénal et décidées directement par le juge. Ça nécessiterait un cours particulier c'est intéressant ça a aussi beaucoup changé, beaucoup évolué aussi, et on voit de ce coté là aussi un renforcement des obligations et des injonctions qui sont deux choses différentes, sur le plan judiciaire. On les voit arriver beaucoup au CMP d'ailleurs.

 

Q: est-ce qu'il y a des choses qui sont mises en place pour protéger les malades de la mixité qu'on peut trouver dans les services hospitaliers sous contrainte en psychiatrie adulte. Ça comprend des personnes aussi bien fragiles, vulnérables, que potentiellement  agressives, et des personnes de 18 ans comme des personnes de 65 ans. Est-ce qu'il y a des choses mises en place pour garantir la sécurité des personnes ?

 

CR : en tout cas les choses mises en place pour garantir la sécurité elles ne sont heureusement pas encore légiférées. Mais ce qui garantit cette sécurité c'est le professionnalisme des soignants présents !

 

Q: et quand il y a un manque d'effectif c'est compliqué ; j'ai vu beaucoup d'hospitalisations par exemple de personnes anorexiques qui ont été hospitalisées sous contrainte et pour qui ça se passait très mal, qui ont été mises en danger par l'agressivité d'autres patients, et où les infirmières étaient très démunies justement, la nuit surtout, et ça me pose vraiment question d'hospitaliser sous contrainte une jeune personne de 19 ans, extrêmement vulnérable, et qui refuse les soins.

 

CR : c'est vrai. Concernant l'anorexie la question du consentement et du non-consentement aux soins c'est une question à mon avis qui est encore plus prégnante que dans le cas d'une schizophrénie délirante par exemple. Mais bien évidement les services sont démunis, il y a moins de personnel, et notamment peu formé, féminin de plus en plus, et effectivement face à des situations de violence, d'agressivité, de conflits entre patients, ce qui garantit le mieux c'est l'expérience, la bienveillance et le nombre, mais ce n’est pas forcément le souci du législateur

 

Q: est-ce qu'il y a eu un esprit de la loi pour qu'il y ait eu la loi de 2011, dans la société.

 

CR : il y a eu deux choses à mon sens, concomitantes, c'est le drame de Pau, c'est à dire ce jeune homme qui s'est introduit dans un service de psychiatrie et qui a décapité une aide-soignante et une infirmière. C'est un ancien patient de l'établissement qui n'était plus suivi et qui était en état de délire aigu. Et également la question de la récidive et de la rétention de sûreté, qui a priori n'avait pas grand chose à voir avec l'affaire mais qui a été un peu un déclenchement de feu aux poudres sur la question de la sûreté. C'est une loi qui fait suite à un discours de Nicolas Sarkozy à l’hôpital d'Antony, discours que vous pourrez retrouver dans le JFP n°38 dont je vous parlais.

 

À bientôt !