Brigitte Giraud : Il n’y a pas d’autre malaise dans la culture que le malaise du dési

J’ai été et suis encore très préoccupée par ce qui se passe en Ukraine, cette guerre terrible où nous assistons presqu’en direct à la destruction totale d’un pays qui nous ressemble beaucoup et dont le peuple vaillant et si courageux force notre admiration.

Cette guerre si proche de nous, fait suite à ce que nous avons vécu il y a quelques temps seulement avec les attaques terroristes sur notre territoire et bien que les motifs et circonstances soient bien différents, c’est une réelle violence qui s’installe dans nos rapports et crée un certain malaise dans la culture.

Pourquoi ? et quel rapport avec le désir, titre de mon intervention, alors qu’on parlerait plutôt de pulsion de mort.

Ce qui m’a plus que surprise, je dirais même bousculée et du coup m’a forcée à réfléchir, c’est de me rendre compte, comme beaucoup d’entre nous je le suppose, de la force extraordinaire de réaction des Ukrainiens, face à la brutalité froide et implacable d’un agresseur aussi puissant en nombre qu’en force militaire. Par leur culture et aussi leurs apparences physiques, il m’a été très facile de m’identifier à ces Ukrainiens en guerre.

Et qui m’a interrogée est une question toute simple : je me suis demandé si le courage, la vitalité, l’inventivité dont faisait preuve le peuple Ukrainien à s’engager sans frémir dans cette guerre, pouvait nous arriver à nous aussi, si nous devions nous trouver dans la même situation ? Est-ce que notre jeunesse aurait la même réaction, prête à y laisser la vie, au nom de la défense de la nation et de la démocratie ?

 

En quoi sommes-nous concernés réellement par cette guerre et, sans qu’elles aillent jusque-là, ces violences destructives qui traversent nos sociétés.

Nous connaissons chez nous une forme de radicalité dans nos échanges, des violences de rue, violences conjugales, agressions contre les représentants de l’État, contre les enseignants et d’une manière générale contre toute forme d’autorité, invectives, insultes, incivilités que nous allons essayer d’analyser du point de vue de la psychanalyse.

Défendre la démocratie, certes, est essentiel et même vital, mais en avons-nous réellement mesuré l’enjeu et le prix ?

 

Déjà Freud à la veille de la première Guerre mondiale puis Lacan dès 1959 dans son séminaire sur le désir et son interprétation, puis Charles Melman à son tour, à maintes et maintes reprises, nous alertaient contre le risque de déshumanisation et la venue programmée de figures totalitaires appelées à venir rétablir l’ordre.

Avons-nous passé la ligne se demandait Lacan au moment de la crise de Cuba et du risque de troisième Guerre mondiale ? Il poursuivait à ce moment-là son séminaire sur l’Éthique de la psychanalyse.

Dans quel engrenage infernal sommes-nous pris, quand on sait que toute guerre se termine et laisse derrière elle des cimetières et des ruines de part et d’autre. Tout ça pour ça ?

 

Il est faux de penser que la liberté chérie soit l’aspiration profonde des peuples. Seul le fou se croit libre clamait Lacan. Mais être privé littéralement de liberté par l’avènement d’un régime totalitaire est une autre affaire. Dans ce cas serions-nous prêts à relever le défi ?

Qu’est-ce qui pousse à l’action, à un engagement total qui va jusqu’à devoir y laisser la vie ? Est-ce que la livre de chair à payer pour chacun a quelque chose à voir avec ces morts laissés sans sépulture, ces visions de villes éventrées ?

Est-ce que les actes héroïques qui se déroulent sous nos yeux chaque jour depuis des mois sont à mettre au compte du désir ? D’où vient cette force incroyable qui les anime ?

Ces valeureux soldats Ukrainiens dans leurs tranchées nous montrent- ils la voie ? Héros pathétiques du fond de leurs abris éphémères, ils m’ont fait penser à cette autre tragédie sur fond de guerre : Hamlet.

Lacan donne à cette œuvre de Shakespeare le même poids dans la culture que celui du mythe de l’Œdipe antique. Il en parle tout au long de son enseignement et il m’a semblé pertinent d’y revenir pour éclairer notre actualité.

Il s’agit de repérer pourquoi cet Œdipe dit moderne est fondamentalement différent de celui des origines grecques, avec les conséquences considérables qu’il en résulte pour la constitution de la subjectivité de chacun et de la vie dans les sociétés nouvelles que sont les nôtres dorénavant.

 

Hamlet donc, c’est celui qui sait, voilà comment le qualifie Lacan. J’ai mis un certain temps à comprendre ce que cela voulait dire, mais déjà nous pouvons avancer que ce héros moderne ressemble beaucoup à certains jeunes d’aujourd’hui.

Il sait quoi ? Il est informé, il n’y a pas d’autre mot, par la voix de son père sous l’apparence d’un spectre, que celui-ci vient d’être assassiné par son propre frère et que sa femme couche avec celui-ci, au vu et au su de tout le monde. Son père demande à Hamlet de le venger, d’agir en son nom.

Nous verrons plus tard la nature particulière de cette demande.

Cet Œdipe moderne, en quoi est-il si différent de l’Œdipe de Freud ?

 

Œdipe roi était lui aussi sous le coup d’une injonction, celle de l’oracle de Delphes : il coucherait avec sa mère et tuerait son père.

L’Œdipe antique a tenté de refouler cette malédiction jusqu’au jour où, après avoir triomphé du Sphinx, accédé au trône et épousé sans le savoir Jocaste sa mère, il part sur les routes pour éviter cette prédiction. Mais au détour d’un chemin, il tue son géniteur, croyant avoir affaire à un simple voyageur avec lequel il a une altercation qui tourne mal.

Les deux héros connaissent le même funeste sort, mais avant qu’ils ne meurent déjà, nous pouvons dire que leurs deux vies n’ont pas du tout été faites de la même étoffe.

L’un a pleinement vécu jusqu’au dénouement de la prévision fatale. Il s’est conduit en héros, ce qui lui a valu d’accéder au trône, s’est marié et a eu une fille, Antigone, [avec une autre encore, Ismène, et les deux fils que nous lui connaissons, Étéocle et Polynice].

L’autre, Hamlet, à peine 30 ans, n’a encore rien fait de sa vie.

Il ne parvient pas à se déterminer. Il lui manque une dimension qui ferait que son acte lui soit rendu possible. Il hésite et tergiverse alors que pourtant tout est clair et d’apparence facile, il est bien conscient de la situation familiale, qu’il lui suffirait de venger son père et, bien que toutes les bonnes raisons d’agir soient là, étalées au grand jour, sur la table comme on dit, c’est justement ça qui fait problème.

Car Hamlet s’en tient à la réalité, aux rapports de force réels entre les uns et les autres selon leurs places et leurs pouvoirs respectifs, s’il agit ce n’est que sous le coup d’une impulsion.

C’est par mégarde qu’il tue Polonius, et par pure désinvolture qu’il s’engage dans un tournoi qui lui sera fatal car il n’en mesure en rien le danger.

Il n’est pas sujet  de sa propre vie et n’arrive même pas à exécuter un ordre, quand bien même viendrait-il de l’au-delà. Il s’en tient au seul niveau des énoncés, dans des déclarations toutes faites, un discours vide.

Même Ophélie est conspuée par lui après avoir été courtisée, vouée aux gémonies, alors que tout portait à croire qu’il en était amoureux. C’est d’ailleurs à la suite de l’écoute des reproches qu’il formule à son égard qu’elle perd tout espoir et se jette dans la rivière.

 

Hamlet se fait passer pour fou, change d’attitude au gré des circonstances. Hésite, to be or not to be. Il jouit d’une vie facile mais sans désir qui puisse le porter. C’est que rien ne lui manque à lui, Prince héritier sans ambition, il se déplace au gré du désir des autres autour de lui.

Point d’idéal à défendre, il ressemble à bien des jeunes d’aujourd’hui qui, sans être ni psychotiques, ni pervers, aménagent leur vie en cherchant à avoir le moins de contraintes possibles, sans engagements et surtout, ne voulant pas assumer de responsabilités trop importantes. La gestion de leurs petites affaires au jour le jour leur suffisent.

Oui il y a bien quelque chose de pourri au royaume du Danemark, cela concerne la famille royale et le peuple tout entier est au courant de ce qui se passe à la cour puisque la reine ne se cache en rien.

 

Tous pourris, voilà une exclamation qui sonne à nos oreilles, bien que je ne la partage pas du tout. En tout cas, aujourd’hui tout se sait, nous avons affaire à la plus grande transparence, pas un jour sans que nous soient révélées les frasques ou les abus de tel personnage en vue, que ce soit dans les milieux politiques, artistiques, dans les médias, bref, de la part de personnes ayant un pouvoir et une responsabilité .

Le voile de la pudeur est tombé chez nous aussi, et notre jeunesse assiste trop souvent, perplexe, au grand déballage entre parents séparés ou sur le point de l’être.

 

Hamlet lui est aux prises avec un père qu’il idéalise à outrance et une mère en place de grand Autre réel, ivre de plaisir, qui manque à tous ses devoirs et se livre à la luxure sans aucune limite. Face à elle il capitule non sans avoir tenté de la supplier de quitter son assassin d’amant. En vain.

S’il tergiverse, ne sait pas ce qu’il veut, incapable à ce stade de se forger une pensée, une subjectivité qui lui permettrait de s’exprimer en vérité , c’est qu’il lui manque l’accès à une dimension symbolique.

Œdipe roi, lui, n’a pas hésité une seconde à payer de sa personne pour un double crime commis pourtant dans la plus grande innocence.

Il avait admis la fatalité qui pesait sur lui et le moment venu en a assumé toutes les conséquences. Certes le prix à payer est lourd, mais il y consent pour que la paix revienne dans son royaume.

Notons bien qu’il se considère comme individuellement responsable mais qu’il prend en compte, avec autant d’importance, toutes les conséquences que sa transgression a fait peser sur le peuple de Thèbes C’est pour éviter que le malheur s’abatte sur son peuple qu’il abandonne son trône et démissionne.

Hamlet lui aussi est innocent. Il se prépare à exécuter la demande de son père, mais nous verrons que quelque chose d’essentiel lui échappe dans la véritable valeur de cette demande.

Pour l’heure son oncle vit dans une jouissance sans entrave, il n’a aucunement conscience d’avoir à regretter ses crimes. Si Hamlet renonce à une occasion facile de l’assassiner, c’est qu’il veut que Claudius connaisse, comme son père, un remords éternel, impardonnable, qui le voue en enfer pour l’éternité.

 

Pour arriver à ce que Claudius mesure la véritable abjection de ses actes, Hamlet invente ainsi un subterfuge : il lui propose d’assister à une petite scène de théâtre.

Il s’agit de faire jouer par des acteurs professionnels, la réplique réelle de ce qui vient de se passer dans la réalité, le fameux play, scène centrale pour le dénouement de la pièce.

Grâce à cette représentation, son oncle va pouvoir s’identifier au personnage qui tient son rôle dans la pièce et éprouver les tourments du remords recherché par Hamlet.

Cette fameuse représentation dans la représentation va avoir également pour effet de donner enfin à Hamlet un élan pulsionnel jusque-là totalement inexistant. Il va se sentir désormais armé de courage et de forces suffisantes pour accomplir le vœu de son père, convaincu soudainement du bien fondé de l’acte qu’il se prépare à réaliser.

 

Cependant, comment qualifier cette pulsion soudaine irrépressible, qui le rend méconnaissable ?

S’agit-il d’un désir ? De quel désir ?

Il se trouve en fait dans un mouvement de vengeance pure, imaginaire, une sorte de face à face œil pour œil, dent pour dent dont il est bien difficile de dire qu’il en soit véritablement l’auteur. Il ne fait qu’exécuter à la lettre le désir de son père.

 

Pourtant cette représentation marque dans la pièce beaucoup plus qu’un tournant. Outre l’accélération qu’elle donne à l’action, elle est bien plus que cela. Elle trace une sorte de littoral entre un avant et un après au sens où Lacan l’entend, par ce qu’elle introduit dans cette suite de passages à l’acte aveugles et insensés une coupure faite de paroles. C’est cela qui provoque le changement subjectif radical de Claudius, et pas seulement pour lui car Hamlet va pouvoir lui aussi commencer à se mettre sur la voie v. o. i. e de son père, et plus uniquement à agir sous l’impératif de sa voix réelle.

Ce qui a échappé jusqu’alors à Hamlet, lui qui sait si bien, c’est que son père lui demande de le venger non pour avoir été assassiné par son propre frère et avoir été trahi par sa femme, mais pour n’avoir pu régler ses affaires avant de mourir. C’est ce message implicite qui est passé inaperçu par Hamlet.

 

De ses affaires nous ne savons rien, et d’ailleurs peu importe, cela concerne son intimité et sa volonté de se mettre en règle avec les lois de la cité, comme avec lui-même. L’un ne va pas sans l’autre.

Ce père-là est, lui aussi, comme l’Œdipe antique, de la vieille école alors que son fils s’en tient à répondre à la demande de son père, point final. Il passe à côté de cet implicite pourtant essentiel.

 

Il pourrait même dire comme on l’entend parfois trop souvent aujourd’hui : c’est bon, maintenant j’ai fait ce que tu me demandais, je peux m’en aller et faire ce que je veux.

Le poète lui, ne s’en n’ est pas tenu à cette version , car ce qui fera accéder cette tragédie au rang de mythe fondateur selon Lacan est d’une bien autre complexité Quand bien même Hamlet aurait-t-il réussi à tuer son oncle pour répondre à la demande de son père, ce n’est pas ce qui le rend quitte aux yeux de Shakespeare.

 

Qu’est-ce qui permet qu’une subjectivité existe ? Est-ce celle qui se produit d’un sujet à un autre sujet ?

« Une véritable subjectivité, nous dit Lacan, c’est celle d‘un sujet, d’un petit autre à un grand Autre ».

 

Cet Œdipe moderne donc, qui ne se sent redevable de rien, qui sait lui comment le monde fonctionne, c’est-à-dire aux intérêts privés de chacun, ne réalisera ce que son père a voulu dire que lors de la scène finale où il découvre Laërte allongé dans le cercueil d’Ophélie, en proie à un deuil excessif.

C’est alors que notre Hamlet, pris d’une rage soudaine devant l’exagération outrancière de son cher beau-frère, déclare être le seul à pouvoir exprimer la douleur d’avoir perdu irrémédiablement Ophélie.

C’est maintenant seulement qu’il réalise à quel point elle lui manque tant son amour lui apparaît au grand jour, alors que jusque là il n’avait fait que le repousser et en dénigrer l’engagement.

C’est ainsi que le poète nous fait saisir grâce à ce que nous pouvons appeler un dire, une énonciation, ce qu’implique une prise de parole vraie, en vérité avec le plus profond de soi-même, à condition d’en accepter les conséquences, la responsabilité, autrement dit, le prix à payer.

Nous assistons là, in extremis, à la reconnaissance de cet engagement qu’il aura dénié jusqu’alors, à un retour du refoulé qui lui permettra d’exprimer son désir aussi éphémère que vain puisqu’il y perdra la vie dans la précipitation générale.

 

Que nous dit le mythe moderne ? C’est que cette tuerie familiale est la conséquence directe d’une dette non payée, dette symbolique qui nécessite d’en passer par la parole, par cette perte d’un objet réel, rendu au rang de signifiant pour que le désir puisse advenir.

Hamlet celui qui sait a reconnu in extremis la valeur de vérité de son dire qu’il a fini par prononcer, mais bien tard puisqu’il n’aura pas même eu le temps de le vivre.

Tel est le destin des héros mythiques.

 

On l’a vu c’est la fabrique de l’inconscient qui compte, qui préserve pour chacun les lignes à ne pas dépasser, le semblant dont nous avons à nous contenter pour arriver à vivre à peu près en paix.

Il semblerait que les violences qui traversent nos sociétés sont à mettre au compte de ce qui a manqué à Hamlet : cet engagement dans une parole vraie qui le relie, à son insu, non seulement aux lois de sa lignée mais à la reconnaissance de son désir en en payant le prix, une entame dans sa vie de célibataire, un engagement, une reconnaissance.

 

Si le prénom d’Ophélie, nous fait remarquer Lacan est bien proche dans notre langue de cet opérateur essentiel qu’est le signifiant du phallus, c’est pour nous souligner, si cela est encore nécessaire, combien la reconnaissance d’Ophélie par Hamlet en passe par sa déclaration, par sa nomination au titre de l’être aimé, mais ne présume en rien ce qu’il en serait advenu s’il avait vécu.

 

Autrement dit, Ophélie représente pour lui le Phallus, signifiant manquant dans la chaîne, qu’il s’agit de refouler en tant qu’objet de jouissance. À elle s’attacheront désormais dans la légende, toutes les limites qui siéent à son rang et à la place qu’il lui a reconnue.

 

Ce que ce mythe moderne a pu nous enseigner, et je terminerai là-dessus, ce n’est pas que Hamlet ait finalement reconnu en Ophélie un désir à lui inconnu jusqu’alors, mais c’est que par l’expérience de son dire, le consentement à en être passé par une parole pleine, c’est cela qui lui a permis d’être littéralement propulsé dans une vie qui jusque-là n’était vraiment pas la sienne.

Certes il en a pris cher comme on dit, mais il nous ouvre les méandres d’un chemin sinueux et incertain que nous avons tenté de parcourir avec vous.

Ce qui provoque la violence et l’entretient nous l’avons vu, ce n’est pas seulement le manquement aux lois de la parole, mais c’est aussi tout simplement l’absence de paroles échangées, leur dévalorisation. Entendre dire que tel traité international sera bafoué au nom de telle ou telle valeur partagée par quelques-uns me semble mettre en péril ce que nous avons le plus précieux, la démocratie, sans se rendre compte qu’elle peut elle aussi disparaître et se perdre. Cela suppose d’être capable de faire des compromis, c’est-à-dire que chacun accepte de céder sur son désir.

 

Il n’est pas si sûr que tout ce que nous venons de dire soit pris au sérieux dans notre pays.

Quant à ce qui se passe en Ukraine nous pouvons dire que ce qui motive les hommes sur le terrain, ce n’est pas seulement la vengeance individuelle face à un ennemi sans foi ni loi avec à sa tête un dirigeant corrompu qui ne respecte aucune loi de la guerre ni aucune loi de la parole, mais on peut dire que c’est au nom de la défense de la démocratie en péril que ce pays se bat avec tant de courage.

Et nous ne dirons pas le contraire, oui la démocratie a un prix, le prix de la possibilité de parler en vérité sans crainte d’être mis en prison.

Et pour ne pas rester sur cette note difficile mais pas impossible, je vais vous lire quelques extraits d’un livre qui vient de sortir et que j’ai parcouru avec le plus grand bonheur : il s’agit de celui d’Antoine Wauters intitulé Mahmoud ou la montée des eaux.

C’est un écrivain poète syrien qui écrit sous forme de poèmes, ce qu’il a subi lors de la guerre civile dans son pays,

Il s’agit de dire, par la magie des mots écrits par le vieil Elmachi, d’évoquer les pensées qui lui viennent alors qu’il rame sur sa barque et en plonge chaque jour pour aller visiter son village enfoui sous les eaux du lac El-ASSAD.

On comprend qu’il a perdu ses enfants engagés dans la guerre.

Voici :

 

« Le monde bouge, le ciel bouge.

Moi, Mahmoud Elmachi, je suis là.

J’égraine une grenade sur ma barque

Qui danse au milieu de l’eau.

Le cœur serré je pense à eux.

Où sont-ils ?

Sont-ils ensemble ?

Quelqu’un tire-t-il sur eux

En ce moment où je parle ?

Et eux, sur qui tirent-ils, s’ils tirent ?

Quel est le sens de ce combat ?

Par où se battre ? Pourquoi ? ».

 

Et encore pour terminer :

 

« Ils sont là, mais quand ils disparaissent,

Je n’ai plus que les mots pour les chercher.

Les mots comme des filets à papillons

Pour nos causes perdues.

Une barque à mi-chemin entre

Les mondes.

J’ai plongé.

L’écriture comme une barque,

Entre mémoire et oubli. ».

 

Merci

 

Brigitte Giraud, psychanalyste (ALI, ALI Draguignan)
Nice, le 25 juin 2022